Derrière les mots des RH : l'empreinte d'un système économique et politique
Les termes des RH : plus qu’un simple vocabulaire
De « personnel » à une vision administrative
Le terme « gestion du personnel » a longtemps dominé en Afrique pour désigner le rôle des RH. Centré sur des tâches comme le recrutement, les salaires ou la gestion des congés, il reflétait une approche administrative. Mais ce mot, en apparence neutre, portait une intention : encadrer les employés dans un cadre strict, souvent au service des priorités de la direction. Ce choix linguistique révélait un système où l’employé était vu comme un exécutant, et non comme un partenaire.
« Ressources humaines » : l’humain au service de l’économie
Avec l’adoption du terme « ressources humaines » dans les années 1980-1990, le vocabulaire a évolué. Les employés sont devenus des « ressources », comparables à des outils ou des fonds financiers. Ce mot, choisi dans un contexte de mondialisation et de compétitivité, trahit une logique économique : maximiser la productivité. En Afrique, où les relations humaines et la communauté sont centrales, ce terme a créé un fossé, les employés se sentant réduits à des moyens de profit, loin de leurs valeurs culturelles.
« Capital humain » : une valorisation sous contrainte
Plus récemment, le concept de « capital humain » s’est imposé, mettant en avant les compétences et les talents comme des atouts pour l’entreprise. Ce terme, qui semble valorisant, s’inscrit dans une vision économique et politique globale, où l’humain est un investissement devant générer des rendements. En Afrique, cette approche peut sembler déconnectée des réalités locales, renforçant l’idée que les RH servent un système qui privilégie les résultats financiers aux relations humaines.

L’impact des mots : une méfiance enracinée
Des termes qui façonnent la perception
Les mots ne sont pas anodins : ils influencent la manière dont les employés perçoivent les RH. En qualifiant l’humain de « ressource » ou de « capital », ces termes insinuent une logique utilitariste, où la valeur d’une personne se mesure à sa contribution économique. Dans des cultures africaines valorisant la solidarité et le respect, ce langage peut sembler froid, voire aliénant, alimentant la méfiance envers les RH, perçues comme un rouage d’un système économique déshumanisé.

Une formation RH déconnectée des réalités
La formation des professionnels RH en Afrique renforce cette dynamique. Souvent axée sur les aspects juridiques et administratifs, elle prépare les RH à appliquer des règles plutôt qu’à construire des relations. Ce focus technique, influencé par des modèles économiques occidentaux, reflète une volonté de standardisation, mais néglige les attentes des employés africains, qui souhaitent plus d’écoute et de proximité.
Un rôle RH au service du pouvoir
Dans de nombreuses organisations africaines, les RH occupent un rôle secondaire, exécutant les directives de la direction sans participer aux décisions stratégiques. Ce positionnement reflète un système politique interne où le pouvoir reste concentré au sommet. Les employés, se sentant peu représentés, perçoivent les RH comme un outil de contrôle, aligné sur les intérêts économiques et politiques de l’entreprise, plutôt qu’un défenseur de leurs besoins.

Vers une transformation : des RH ancrées dans les valeurs africaines
Choisir un langage centré sur l’humain
Pour surmonter la méfiance, les RH doivent adopter un langage qui valorise l’humain avant l’économie. Remplacer « ressources » ou « capital » par des termes comme « talents » ou « collaborateurs » peut refléter une intention de respect et d’inclusion. Ce changement linguistique doit s’accompagner de pratiques concrètes : écouter les employés, reconnaître leurs contributions et favoriser leur bien-être.
Intégrer les valeurs africaines
Les RH doivent s’inspirer des valeurs africaines, comme la communauté, le respect mutuel et la recherche de consensus. Par exemple, impliquer les employés dans les décisions ou célébrer les réussites collectives peut renforcer le lien avec les RH. Ces pratiques contrebalanceraient l’influence d’un système économique qui privilégie l’individualisme et la performance.
Redonner un rôle stratégique aux RH
Les RH doivent devenir des acteurs clés dans les organisations africaines, en participant aux choix stratégiques. Cela nécessite des formations qui intègrent la gestion des relations, la sensibilité culturelle et la stratégie, au-delà des aspects techniques. Les dirigeants, quant à eux, doivent reconnaître les RH comme un levier pour motiver les équipes et aligner les objectifs de l’entreprise sur les aspirations des employés.

Conclusion
Les termes utilisés par les RH, comme « ressources humaines » ou « capital humain », ne sont pas neutres : ils portent l’empreinte d’un système économique et politique qui privilégie la productivité et le contrôle. Ce langage, combiné à une formation technique et à un rôle secondaire des RH, alimente la méfiance des employés africains. En adoptant un vocabulaire et des pratiques centrés sur l’humain, ancrés dans les valeurs africaines, et en renforçant leur influence stratégique, les RH peuvent redevenir un partenaire de confiance, au service des employés et du développement des organisations.

Pour aller plus loin
- L’évolution du rôle des RH dans les entreprises africaines
- Le concept d’Ubuntu appliqué au management
- Formations RH adaptées au contexte africain
RH Afrique, Gestion du personnel, Ressources humaines, Capital humain, Valeurs africaines, Transformation RH, Management interculturel, Langage RH, Stratégie RH, Culture d’entreprise africaine