La Fiscalité sur les Revenus en Afrique de l’Ouest : Un Enjeu Clé pour le Développement
L’Afrique de l’Ouest, avec ses 16 pays membres de la CEDEAO, est une région vibrante où la fiscalité joue un rôle central pour financer les infrastructures, l’éducation et la santé. Pourtant, la taxation des revenus y reste un défi complexe, tiraillée entre une économie informelle massive, des structures fiscales en évolution et des initiatives prometteuses. Plongeons dans cet univers méconnu pour comprendre comment elle fonctionne, ses obstacles et ses perspectives.
Une Pression Fiscale encore Timide
En Afrique de l’Ouest, la pression fiscale (le ratio recettes fiscales/PIB) oscille entre 13 % et 16 %, loin des 20 % visés par l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine) pour des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Mali. À titre de comparaison, les pays de l’OCDE dépassent souvent les 30 %. Pourquoi un tel écart ? La réponse réside dans le secteur informel, qui emploie plus de 80 % des travailleurs – artisans, commerçants, agriculteurs – hors du radar des administrations fiscales. Taxer les revenus dans ce contexte devient un véritable casse-tête.
Comment les Revenus Sont-Ils Taxés ?
La fiscalité sur les revenus en Afrique de l’Ouest repose sur plusieurs piliers :
- L’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP) :
Il cible les salaires, revenus indépendants ou fonciers. Les taux sont progressifs :- Sénégal : de 0 % (jusqu’à 630 000 FCFA/an) à 40 % (au-delà de 13,5 millions FCFA/an).
- Nigeria : jusqu’à 30 % pour les hauts revenus.
- Guinée : de 0 % (moins de 12 millions GNF/an) à 15 % (plus de 240 millions GNF/an).
- L’Impôt sur les Sociétés (IS) :
Les entreprises formelles, notamment dans les télécoms ou l’extraction, paient entre 25 % et 35 %. Mais l’optimisation fiscale des multinationales limite son impact. - La TVA et Taxes Indirectes :
Avec des taux autour de 18-20 %, elles compensent la faiblesse des impôts directs, bien qu’elles ne taxent pas les revenus à proprement parler.
Exemple concret : Au Sénégal, les salariés sont soumis à une retenue à la source (IRPP) ajustée annuellement, tandis qu’au Ghana, le système PAYE (« Pay As You Earn ») prélève jusqu’à 30 % selon les revenus.

Les Grands Défis à Relever
1. Le Poids du Secteur Informel
Avec une majorité de la population active hors du système fiscal, les gouvernements peinent à élargir leur assiette fiscale. Au Togo, des taxes forfaitaires tentent d’intégrer ces travailleurs, mais les résultats restent modestes.
2. La Méfiance envers l’État
« Pourquoi payer des impôts si les services publics sont défaillants ? » Cette question revient souvent. Le manque de transparence dans l’utilisation des fonds publics décourage les contribuables.
3. Les Fuites de Capitaux
Les multinationales, notamment dans les mines ou les télécoms, pratiquent l’optimisation fiscale, privant les États de recettes cruciales. Au Nigeria, par exemple, les recettes fiscales ne représentent que 6 % du PIB, un record de faiblesse lié à la dépendance pétrolière.
Des Initiatives qui Donnent de l’Espoir
Malgré ces obstacles, des avancées émergent :
- Harmonisation régionale : L’UEMOA travaille à uniformiser la TVA et les droits de douane pour simplifier les systèmes fiscaux.
- Numérisation : Le Sénégal et la Côte d’Ivoire s’inspirent du Rwanda pour moderniser leurs administrations fiscales via des outils numériques.
- Taxes ciblées : Au Ghana, la taxe sur l’assurance maladie montre comment une fiscalité bien pensée peut financer des besoins essentiels.

Zoom sur Quelques Pays
Voici un aperçu des systèmes fiscaux dans certains pays ouest-africains :
Pays | Barème Progressif (revenus annuels) | Cotisations Sociales (Employeur) | Particularités |
---|---|---|---|
Sénégal | 0 % (< 630 000 FCFA) à 40 % (> 13,5M FCFA) | 7 % (famille) + 8,4 % (retraite) | Retenue à la source, ajustée en fin d’année |
Côte d’Ivoire | 1,5 % (< 600 000 FCFA) à 10 % (> 2M FCFA) | 5,75 % (retraite) + 7,7 % (famille) | Abattement de 25 % sur le salaire brut |
Mali | 0 % (< 300 000 FCFA) à 40 % (> 1,875M FCFA) | 7,5 % (retraite) + 3,5 % (famille) | Réduction pour charges familiales |
Burkina Faso | 0 % (< 360 000 FCFA) à 25 % (> 12M FCFA) | 5,5 % (retraite) + 7 % (famille) | IUTS spécifique, taxé si employeur local |
Et l’Avenir dans Tout Ça ?
Pour atteindre les Objectifs de Développement Durable d’ici 2030, l’Afrique de l’Ouest doit collecter plus – et mieux. Cela implique :
- Élargir l’assiette fiscale : intégrer davantage de contribuables, y compris dans l’informel.
- Moderniser les outils : la numérisation peut accélérer les prélèvements et réduire la fraude.
- Restaurer la confiance : montrer des résultats concrets (routes, écoles, hôpitaux) pour encourager le « consentement à l’impôt ».
Si la région parvenait à taxer comme la Tunisie (32,5 % du PIB), des centaines de milliards de dollars pourraient être mobilisés chaque année. Un rêve atteignable ?
Et Vous, Qu’en Pensez-Vous ?
La fiscalité peut-elle transformer l’Afrique de l’Ouest en un moteur de développement durable, ou reste-t-elle perçue comme un fardeau ? Partagez vos idées en commentaire – votre avis compte !